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Youri est au Congo
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9 mars 2006

Un volcan dans la peau

Je ne remercierai pas assez la Monuc d’avoir « égarer » ma demande de vol pour Kampala dans les méandres inextricables de l’administration. Bien sûr, pendant ces minis vacances, je ne verrai pas la capitale de l’Ouganda, le lac Victoria et je ne ferai pas de rafting aux sources du Nil. Mais qu’importe, cela sera pour une prochaine fois. Devant cette nouvelle frasque de Maybe air lignes, j’ai changé mes plans. J’ai décidé de rejoindre l’équipe de Solidarité à Goma qui m’avait si agréablement accueilli il y a un mois lors de ma mission d’évaluation pour une proposition au Unhcr. Cette visite a pour but l’ascension du cratère qui surplombe la ville. Je n’ai pas vu les volcans d’Islande l’année dernière alors je vais me rattraper.

Vendredi, me voilà donc en route pour Bukavu, via le Rwanda, où nous squattons chez Action Contre la Faim. Anne Laure retrouve son homme pour le week end. Les règles de sécurité à Bukavu ne sont pas aussi strictes qu’à Uvira, ainsi, sans couvre feu, on se fait un resto tenu par des Belges et nous enchaînons la soirée chez d’autres expatriés. La veillée est très arrosée et se termine vers 4 heures du mat ! Absolument impensable à Uvira, alors on en profite.

Lundi, Stéphane, le copain d’Anne Laure pour ceux qui ne suivent pas tout, doit retourner bosser à Goma et nous prenons l’avion de Aviation Sans Frontières avec une fille travaillant pour Unicef qui était venue spécialement de Kinshasa pour la visite à Baraka (voir article précédent). Etre à bord de ce Cessna réveille en moi, non seulement des souvenirs mais aussi une furieuse envie de reprendre des cours et repasser ma licence de pilote. D’autant que le paysage est magnifique, nous survolons le lac Kivu, ponctué de quelques îlots verdoyants, à l’ouest la route Bukavu Goma (voir article du mois dernier) et à l’Est le Rwanda.

Toujours hospitalière, l’équipe de l’Ong Solidarité me conseille de prendre contact avec l’Observatoire Volcanique de Goma, pour connaître les bons conseils et la sécurité physique pour l’ascension du Nyiragongo. Dressé au centre du rift Est Africain, c’est le volcan le plus actif du continent et il est célèbre pour l’existence quasi permanente de son lac de lave en fusion. Aujourd’hui, nous sommes en risque jaune, c’est à dire que le volcan est en activité et qu’il n’y a pas de danger immédiat. C’est un peu comme notre drapeau pour prévenir des risques d’avalanches sauf que la neige est ici une coulée de lave liquide à 1600°. Pour la sécurité politico militaire, c’est Ocha (Organisme de Coordination des Affaires Humanitaires des nations unis) qui me rassure. Ce sont de gens de confiance puisqu’ils m’avaient aidé il y a un mois pour le proposal sur les éventuels rapatriement de l’Unhcr.

Mardi matin, me voilà parti avec quelques affaires, de menus vivres et une tente empruntée à Médecins du Monde. Le fula fula  -mini bus de 12 personnes- démarre enfin avec à son bord une bonne vingtaine de passagers. Heureusement mon voyage ne sera pas très long, seulement 17 kilomètres et un seul barrage militaire.

Après une formalité administrative de 50usd (pour les résidents au Congo) pour l’entrée dans le parc national des Virunga, je constate sur le cahier d’enregistrement qu’il n’y a environ que deux ou trois ascensions par mois dont la moitié pour des vulcanologues et l’autre moitié (moins epsilon) pour des gens de la Monuc. Pas beaucoup de touristes donc. J’entame la marche d’approche accompagné d’un guide armé d’une Kalach pour notre sécurité et d’un porteur pour la tente. Dès l’entrée dans la forêt de feuillus, le ton est donné. Le rythme de marche est bon, je me mets dans les pas de Mowe, le porteur de 48 ans, alors que Toussaint le guide de 20 ans est un peu en retrait. La progression se fait dans un chemin étroit, plus ou moins tracé dans cette forêt dense. L’âme du docteur Levingston traversant une bonne partie du continent noir commence à m’imprégner. Après 45 minutes, nous atteignons la coulée de lave du 17 janvier 2002. Cette éruption avait recouvert une surface immense, dont une partie de la ville de Goma, faisant 10000 sans abris, 400 000 déplacés mais peu de morts. On remonte donc cette coulée visqueuse en observant par endroits le moulage des troncs d’arbre qui ont été brûlés par la lave. Soudain, Mowe s’arrête, et me fait signe. De l’autre coté de la coulée, une famille de singes noirs nous a repérés et commence à sauter d’arbres en arbres pour se réfugier d’éventuels braconniers. Calmés par notre immobilité et notre silence, ils nous observent. Alors en réponse, nous les observons ! Bientôt, vous aurez quelques photos en bonus.

Un peu plus haut, on peut distinguer une première coulée de lave, très fluide, qui a été émise au tout début de l’activité éruptive et qui a recouvert tout le terrain comme une vague gigantesque. Dans les creux de cette première coulée, on retrouve des langues de coulées plus visqueuses, très artistiquement disposées. Cette fois ci, c’est Toussaint qui s’arrête, il a entendu quelque chose à notre gauche. Ce sont des braconniers qui commence à fuir. Oh, il ne chasse pas l’antilope ou le singe mais il viennent prendre du Makala (charbon de bois) et même si c’est illégal, le guide armé leur fait peur sans suite.

Vers 2700 m, on s’arrête pour observer les fractures encore fumantes à l’origine de l’éruption de 2002. L’odeur est âpre, comme du souffre chaud mélangé à de l’acide. Nous quittons alors le chemin de lave pour rentrer dans la forêt d’altitude. Les nuages sont bas maintenant, nous entrons dans la brume. L’ambiance humide et sombre donne à ces bruyères arborescente de 3 à 5 m de haut un allure inquiétante. Le froid se combine avec un léger crachin. On sort de cette végétation, et pour cause, toutes les plantes sont mortes à partir de 3100m en raison du panache de gaz acides rejetés par le volcan. Paysage de désolation alors que la pluie et l’orage menacent. Vers 3200m, juste à temps, nous nous abritons dans une cahute du camp de base. Il ne reste plus que 225m de dénivelé et je constate qu’on est bien monté, un beau rythme de 400m/h. Lorsque le temps devient un peu plus clément, nous repartons, les derniers mètres se font dans le pentu, en direct et déjà nous sommes au sommet. Le spectacle est étourdissant, malgré la fumée du volcan qui stagne à cause du bouchon de nuage. Le cratère fait 1200m de diamètre et quelques 700m de profondeur. On construit la tente sous le vent. Les emplacements sont encore plus rares qu’à Hossegor en plein mois d’août mais pas pour les mêmes raisons ! La plate-forme a été taillée dans la pente.

Je partage ma pitance avec mes accompagnateurs, puisqu’en bon Congolais, ils n’ont rien à manger. Le repas est donc frugal. Après la sieste, j’observe le cratère qui s’est dégagé de sa fumée. Le lac au fond est d’un rouge vif et je ressens la chaleur du volcan car à coté de mon point d’observation se trouve une minuscule cheminée. L’odeur n’est pas agréable mais je me réchauffe correctement. N’hésitez pas à prendre deus polaire, des vêtements respirants et un bon coupe-vent imperméable. A choisir, préférez les bonnes chaussures de rando plutôt que les baskets décennales, trouées et lisses.

A la tombée du jour, le vent s’est levé, chassant les nuages. Le spectacle en devient émouvant. La terre vie. Elle bout, elle vibre, elle vrombit. Parfois elle explose dans des volutes rouge-sang. Je reste couché à plat ventre, observant ce lac de feu. Comme un pyromane admirant un brasier, sauf qu’ici les flamme retombent sur elles mêmes dans une lenteur visqueuse. Cela m’est difficile d’estimer la hauteur de ces éruptions, mais elle me font penser aux images qu’on a de l’activité du soleil. Le vent se renforce encore. Il me glace les sangs et les sens. Je rentre à la tente avant d’essuyer une vrai tempête.

La nuit sera ponctuée par un terrible orage et des vents violents qui auraient arraché la tente si nous nous étions servi des piquets de camping au lieu des fers à béton plantés à la masse (tout ce matériel reste en haut...). Très caractéristique aussi, l’odeur de trois hommes après une bonne ascension à vous réveiller un humanitaire en vacances. Oui, les porteurs n’emmènent pas de tentes pour eux et je préférai les avoir dans la tente pour pas qu’ils ne s’envolent.

Le lendemain matin, je me lève en même temps que le soleil car le temps est désormais clément et propice à une observation du cratère. Dans d’infinis changements de couleurs, je mitraille. Il m’en faut plus, je demande s’il y a un endroit pour déescalader un peu la parois interne du gouffre. Toussaint me dit que c’est de partout parfaitement abrupte et pourtant devant mon insistance, il m’emmène vers son secret, ou plutôt celui de Jacques Durieux, volcanologue de l’OVG. C’est ici que cet expert plante sa corde pour descendre avec son matériel de respiration assistée lors de ses visites d’observation. Même si je ne fais que quelques mouvements prudents pour descendre vers l’antre du volcan, je me ressens une âme d’Aroun Tazieff (pardon pour l’orthographe). Je m’arrête donc bien vite car cela devient dangereux. Et j’observe encore et encore, photos à l’appui.

7 heures 30, nous reprenons la route de retour. On recroise un groupe de braconniers de makala et nos amis de la famille des singes. Nous sommes déjà en bas car Toussaint, m’a provoqué et nous sommes descendu très vite... Arrivé au Centre d’Information sur les volcans, point de départ de cette fabuleuse escapade, je remercie mes compagnons et j’attrape une moto pour rentrer sur Goma.

Dans l’après midi, je vais flâner vers la maison de l’organisme de protection des gorilles de Dian Fossey. Trois petits s’amusent dans un arbre et je reste hypnotisé pendant de longues minutes à observer ces animaux qui nous ressemble tant. En deux jours, après le pilotage, la découverte de territoires inconnus, la vulcanologie, c’est encore un nouveau violon d’Ingres en projet ?

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Commentaires
F
Oui on veut des photos nous aussi. (Au moins Nicolas Hulot il nous montre des images lui ;-)). Avec ce nouveau violon, nous attendons avec impatience la nouvelle palette de couleur de Mr Ingres. Oui rouge ça serait pas mal pour le salon, n'est-ce pas Delphine?<br /> Sinon on espère que tes valises sont prêtes, car le jour J approche !<br /> A la toute proche revoyure.
J
des photos, on veut des photos! Et voila, il a encore fallu que tu fasses ton faramel (perdon pour l'orthographe) à vouloir descendre dans l'antre du volcan... "puisqu'on te dis que c'est dangereux" ;-)<br /> <br /> En tout cas ca doit être rudement impressionnant; Une petite estimation de la température au bord du volcan?<br /> <br /> Dis je pourrais monter dans ton avion quand tu sera pilote?<br /> <br /> A trés bientot sur le territoire Francais (ici les volcans sont éteints mais on a de trés bon fromages).
C
BONJOUR IL EST GRAND TEMPS QUE JE T'ECRIVE CAR MAINTENANT JE VAIS POUVOIR COMPTER LES JOURS QUI ME SEPARE DE TON ARRIVEE. CELA ME MAIS DE LA JOIE DANS LE COEUR. A MONTBRISON TOUT VA BIEN<br /> A PRTIR DE CE SOIR JE SUIS LA GARDIENNE DE CHRISTINE PUISQUE RENE ET MARIE THERESE PARTENT EN VOYAGE EN EGYPTE. POUR CHRISTINE C'EST LES VACANCES AUSSI<br /> NOTRE PETIT LUCA VA BIEN ET EN CE MOMENT IL EST TRES SAGE ET HEUREUX DE VIVRE<br /> A FREJUS UNE NOUVELLE VIE DE TRAVAIL S'ANNONCE ET IL EST BIEN DOMMAGE QUE JE NE PUISSES PAS LES AIDER. MAIS 480 KMS C'EST UN PEU LOIN<br /> JE TE SOUHAITE UN BON VOYAGE DE RETOUR ET PEUT ETRE AUSSI EN PLEINE FORME!!!!<br /> <br /> JE T'EMBRASSE BIEN AFFECTUEUSEMENT <br /> <br /> clemence
Youri est au Congo
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