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Youri est au Congo
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3 juillet 2005

Une semaine chargée…

 

Allez on charge !

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Apres quelques tractations entre les pilotes et Eric, le responsable des affaires humanitaires de la Monuc concernant l’escorte armée qui va nous accompagner, nous montons a bord de cet hélicoptère qui va nous permettre d’atteindre Bibokoboko et Minembwe en trois quart d’heure au lieu de 6 jours de marche dans les moyens plateaux. Cette mission a pour but principal de vérifier l’accueil des retournés dont nous nous sommes occupé il y a quelques temps. Les convois avaient été particulièrement mouvementés car il s’agissait d’une population Banyamulenge, c'est-à-dire assimilée à l’ennemi Rwandais à cause de ressemblances tribales avec les Tutsis. Ils avaient été chassés d’un camp du Rwanda vers leur pays d’origine, à savoir la RDC. Fouillés interrogés re-fouillés et ré-interrogés à maintes reprises, les autorités et le HCR nous avaient donné le feu vert pour acheminer ces vulnérables au plus prêt possible. La route a été détruite depuis belle lurette ou envahie par la végétation, et donc nous avions fait au mieux.

Vous le savez, je m émerveille de tout. Mais là, mes amis… Fantastique. Des paysages de rêves, entre lac et montagnes abruptes. Ensuite ce sont les moyens plateaux, sa végétation luxuriante, forets de bananiers, petites maisons en daube isolées de tout. A peine 30 photos par le hublot ouvert et déjà l’hélicoptère se pose à proximité d’un hameau. Les enfants sont les plus surpris mais la population a déjà vu un hélicoptère même s’ils appellent cela un avion. Quant à moi, je joue dans ma tête le voyageur blasé de l’hélicoptère, comme si je le prenais tous les jours pour aller acheter les croissants…
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Apres les présentations officielles avec les responsables militaires et de la communauté, nous nous intéressons plus particulièrement à la situation humanitaire. Il s’avère difficile d’avoir les bons interlocuteurs, à savoir les femmes puisque se sont elles qui connaissent les problèmes de tous les jours. Les hommes sont en effet plus habitués à « défendre leur territoire ».

Cependant, nous tirons certaines conclusions très proches de la réalité que nous rencontrons dans la plaine et sur l’axe sud, sauf qu’ici l’accès aux ONG étant impossible, la situation sanitaire est particulièrement problématique. Les soins sont dispensés dans des centres de santés assistés par AMI ou MSF à des dizaines de kilomètres de là. Bien sur, en cas de complications lors d’accouchements par exemple le trajet à pieds se solde toujours tragiquement. Le système éducatif existe car les familles se cotisent pour payer les professeurs- l’état étant complètement inexistant-.Avec la volonté de s’en sortir, les populations qui sont restés depuis les guerres, se sont organisées pour débuter les travaux de remise en circulation du tronçon Baraka Bibokoboko. C’est un travail titanesque de 130km qui débute mais comme c’est la première fois pour tous les participants de cette mission d’observation humanitaire que l’on voit une population prendre des initiatives pour leur avenir sans attendre les ONGI ou une aide du ciel, il va falloir trouver un moyen de les aider.

En aparté, il faut souligner ici une analyse politique de la situation des ONG Internationales. Dans ce pays où la corruption est accepté comme le système de fonctionnement étatique, où seul celui qui a les mains vides a les mains propres, les ONGi se substituent bien souvent à toutes les responsabilités de la RDC. Le gouvernement a depuis bien des années abandonné les routes, les hôpitaux et centres de santé, la construction et l’assainissement des sources d’eau potable, la réhabilitation des écoles et même la formation des professeurs, la veille nutritionnelle, la reconstruction de maison, l’assistance aux plus vulnérables, le maintien de l’ordre et bien sur le retour des frères en exil. Les ONG se substituant bien souvent à l’état deviennent bien malgré elles indispensables au fonctionnement de tout. Et les populations qui sont nées avec ce système de réseau d’ONGI oublient bien souvent qu’il ne s’agit pour chacune que de missions ponctuelles ! La difficulté si le programme n’a pas d’objectifs très précis, c’est de ne jamais mettre fin à cette assistance car enfin ce n’est pas ce mode de développement par l’assistanat qui est à souhaiter pour ce magnifique pays. Les mentalités seront difficiles à changer et même les plus cortiqués optimistes de mon staff n’ont aucun espoir dans les élections et le quelconque gouvernement qui en découlera. Si d’ailleurs la RDC arrive à organiser les élections…

 

Il faut reprendre la voie des airs, visiter d’en haut ces plateaux qui deviennent de plus en plus désertiques et rasés. On se pose sur le terrain de foot de Minembwe. L’accueil est le même qu’à Bibokoboko et les discours sur les problèmes humanitaires sont très proches aussi. Seule différence notable, une ONGI, IRC est présente dans la zone. Et comme pour démontrer nos théories politico philosophiques, la population ne s’organise pas pour de quelconques travaux ou pour donner une éducation aux 8 enfants de chaque maman… Ils vivent apparemment differement ici que dans le premier village que nous avons visité. Loin de moi l’idée de dénigrer le travail d’IRC, leur mérite étant d’autant plus grand qu’ils sont dans une région accessible uniquement par les airs, mais la population se repose sur eux pour tout.
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Il faut déjà repartir car l’hélicoptère doit retourner à sa base de Bukavu avant la nuit. Cette visite éclair sera, le responsable Monuc le confirme, le début d’une aide humanitaire plus importante dans la région si la sécurité le permet.

Je m’endors le soir avec des images plein la tête d’enfants, de paysages, de maisons typiques et de thèse sur notre responsabilité dans l’avenir de ces gens.

 

Remonté à bloc, le mardi et le mercredi sont consacrés à quelques signatures de contrats de travail, et au suivi d’avancement des travaux sur notre nouveau projet de centre de transit au sud d’Uvira. Nous avons cette semaine réduit nos activités. En particulier à Baraka sur le centre de la Croix Rouge où les travaux sont en stand by. Nous attendons la fête nationale du 30 juin où chacun s’attend à des manifestations plus ou moins appuyées car le gouvernement de transition de Kabila fils n’a pas tenu ses engagements d’organiser à temps des élections présidentiels (les premières du pays).

Apres le travail, mercredi après midi, je suis invité par le staff a prendre le verre de commémoration pour l’indépendance du pays. La bière coule à flot pour les uns, les sucrés (coca, sprite et fanta) pour les autres plus sages. Les discussions sont variées et enjouées. Un peu après les brochettes, une piste est lancée par Jean, mon assistant administratif et bien vite suivie par Alphonse le comptable et King le responsable convois. Il s’agit de me juger, dans ma méthode de management, pour construire une équipe qui fonctionne et cerise sur le gâteau qui s’entend bien. Les éloges ne tarissent pas et me semblent si sincères qu’elles me mettent mal à l’aise. Elles sont imagées d’exemples concrets, de gestions de difficultés comme le licenciement d’un de nos gardiens, le choix stratégique de l’emplacement de mon bureau, non pas à l’écart de tous les services mais au contraire au centre, entre l’administration et la logistique, ma porte presque toujours ouverte et les réunions pour écouter les doléances de chacun. Il m’est difficile de vous retranscrire l’émotion que chacun apportait dans sa joie de faire partie de cette équipe. Un de mes objectifs professionnels est atteint pour le moment, mon équipe est soudée malgré des salaires globalement inférieurs à d’autres ONG de Uvira. Peut être que nos générations de travailleurs occidentaux ont oubliées de remercier leurs patrons pour ce qu’ils font pour eux. ″ Certains considèrent le patron comme une vache à lait que l’on peut traire à volonté, peu se souviennent qu’il est le cheval qui tire l’entreprise ″ (W. Churchill). Alors chez nous on trouve bien sur des dérives sur ces gens qui ont le pouvoir et ici, à cause de la corruption c’est encore pire. Heureusement, ce n’est pas le cas des ONG. Les détournements de fonds, je vous l’affirme sont impossibles. Les erreurs de gestion ou de mauvais choix stratégiques, par contre, faciles.

Le volontaire d’ONG a un peu perdu son coté aventurier, sac de riz sur le dos qui distribue à ceux qui se sont le mieux battu pour arriver les premiers (Voir l’extrait de la réflexion ‘les multinationales du cœur’). L’ONG si elle veut survivre doit s’adapter, devenir un partenaire des bailleurs de fonds, des prestataires de services. Elle devient une entreprise internationale privée à but non lucratif et avec une utilité sociale. Et la comparaison ne s’arrête pas là. Il s’agit de s’intégrer au marché et vendre son produit à son bailleur, qu’il soit ECHO, la banque mondiale, un gouvernement, l’UNHCR ou même le réseau de donneurs privés. Il faut séduire par des programmes à forte valeur humanitaire. Ce qui marche beaucoup, ce sont les reconstructions d’écoles ou la distribution de nourriture. C’est indispensable et louable bien sûr, mais ça ne suffit pas à sortir un pays de l’ornière.

Pour remporter le marché - je suis désolé d’utiliser ce vocabulaire économique qui apparaît violent dans l’idéologie de l’humanitaire -, il faut montrer patte blanche. Les comptes sont épluchés, chaque dépense correspond à une ligne budgétaire bien précise et limitée, les procédures d’achat sont plus strictes que dans bien des entreprises Françaises, avec des demandes de cotations obligatoires, bref une vraie étude d’investissement pour tout achat dépassant 100usd. Cela implique une organisation managériale proche d’un système qualité qui serait certifiable ! Ca c’est le boulot du chef de projet.

Alors bien sûr quand il sort de son bureau, c’est pour aller faire des missions d’évaluation en hélicoptère, c’est pour discuter avec les autorités et les militaires des conditions sécuritaires à l’approche du 30 juin, négocier une adaptation d’une ligne budgétaire mal adaptée au terrain, aller chercher à la banque au Burundi quelques 30000 ″ biscuits ″, s’adapter au langage codé des hand sets (radio talkie-walki où les UN et les ONGI communiquent), savoir faire un peu d’électricité et se familiariser avec les générateurs, donner des cours d’informatique à son staff le samedi matin, se replonger dans la résistance des matériaux pour calculer la charge admissible sur un port, faire son devis de proposition budgétaire, écouter les doléances de chacun, choisir un plan d’évacuation en cas de problèmes, participer aux réunions sécurité hebdomadaire organisées par l’OCHA ( organisme des UN pour la coordination des affaires humanitaires), vérifier l’avancement des travaux sur les centres de transit et d’accueil des réfugiés, prendre soin des plus vulnérables en les convoyant rapidement aux centres de santé, négocier avec les autres ONG pour des accords de principe et enfin sourire du bonheur de ces familles qui se retrouvent.

Et après tout ça, on peut jouir d’une bière chez les ONGi amies. Ici, les horizons des expatriés sont divers mais la France est bien représentée. Citons mes amis d’AMI (Aide Médicale Internationale), ACF (Action contre la Faim), Tear Fund (ONG d’assainissement de l’eau), ACTED (pour les routes…), Comité Internationale de la Croix Rouge, mais aussi l’américain de NRC ( Norvegian Refugies Concil), les Anglais-Américaine-Indienne de Save the Children, les Italiens d’AVSI (éducation), les hollandais-Albanaise d’ICCO… Bref un vrai melting pot qui se sert les coudes quand un des expatriés a le moral dans les chaussettes. Cette famille hétéroclite invite aussi à la moindre occasion les staffs pour les traditionnelles soirées bières brochette avant couvre feu.

Voila la vie des expat, sauf que nous, nous avons depuis peu l’eau chaude à la maison ! Enfin quand il y a de l’eau et de l’électricité.

A l’approche du fameux 30 juin dont je vous ai déjà parlé, presque tous ont quitter Uvira pour se réfugier à Bukavu ou Bujumbura au Burundi dans leur guest house. Quant à nous, Vincent toujours retenu pour la clôture d’une base au Katanga, Guy en break en Ouganda, nous restons tout deux, Philippe le chef de garage et moi. Le jour J, je répond à l’invitation de l’administrateur du territoire et je vais écouter son discours dont je ne comprend pas un mot car il parle en swailli dans la tribune du stade et que son impopularité provoque les rires de tous quand il ouvre la bouche. Le commandant est quant à lui beaucoup plus écouté. Un traducteur inopiné m’explique qu’il appelle au calme la population pour cette date anniversaire de l’indépendance du pays et que cela doit rester une fête.

Nous allons tout de même resté confiné chez nous à partir de cet après midi. Principe de précaution.

Le lendemain, radio Okapi nous apprend quelques affrontements, quelques morts mais pas dans notre zone (une dizaine de manifestants abattus par les forces armées du gouvernement). Ils sont restés très sages donc. Les activités reprennent donc pour ce qui concerne la réhabilitation mais les convois sont reportés sine die car on ne connaît pas les conditions sur l’axe sud, avec ses populations Bembe, et leurs ennemis Banyamulenge.

La semaine passe vite. Le vendredi et le samedi matin sont consacrés à une initiation à l’informatique et à Word que je dispense à mon staff. La présence au discours de Jeudi a été remarquée et appréciée. D’après un chauffeur, ne pas avoir évacué est pour la population un signe de confiance.

Et voila, il me faut maintenant écrire mon sitrep, situation reporting hebdomadaire pour le siège et le chef de mission afin qu’ils soient au courant de l’avancé du projet.

A très bientôt à tous, et encore merci aux rapporteurs et messagers.

Ps bientot des photos du trip helico
chat

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Commentaires
L
Excellent !<br /> <br /> R.
M
Coucou, une vraie auberge espagnole cet melting pot. En tout cas, avec ce compte rendu nous prenons toute la mesure de tes activités.<br /> Continue à nous tenir informé<br /> <br /> A+<br /> Mic<br /> <br /> PS: moi aussi j'ai réalisé de grands travaux: j'ai changé une ampoule dans notre salle de bain... Le vrai MAC GYVER se trouve bien en RDC
M
Mon Cher Youri<br /> <br /> Cela fait 2 fois que j'ai lu le compte rendu de ta semaine,je suis époustouflée.Que d'émotions ,que du bonheur dans tes récits.<br /> Je partage toute ta passion en te lisant et vraiment je suis très fière de toi.Je t'aime mon fils .Maman.
R
Génial Youri ton compte rendu détaillé de tes activités et de la situation sur place. C'est vraimentpassionnant, on est très loin de tout ça ici et loin de pouvoir même imaginer le quart de ce que ça doit être... même en ayant pas mal voyagé.<br /> <br /> Reste à fonds, c'est génial !<br /> <br /> Raphaël
Youri est au Congo
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