Bilan de ma première semaine...
Vendredi 15 avril 2005 à 6h45 départ pour Nairobi, via Bruxelles.
Arrivé à Nairobi, j'ai dormi dans le même hôtel, dans la même chambre
que lorsque nous étions partis en Tanzanie! La nuit fut très agitée. Je
me suis réveillé à 1h en plein cauchemar. J'ai cru qu'il était 13h et
que j'avais raté mon avion. Heureusement, il me restait encore quelques
heures à dormir.
Samedi 16 avril, je prenais l'avion pour Bujumbura au Burundi et mon équipe venait me chercher à l'aéroport.
Guy et Vincent m'ont accueilli à bras ouverts et nous avons gagné Uvira, ma destination finale sur les berges du lac Tanganyika.
Pour ceux qui connaissent, Uvira ressemble un peu à Longido (Tanzanie)
: des rues en terre battue, des maisons quelque peu délabrées…mais le
paysage est magnifique. C'est une petite ville entre lac et montagne.
Mais pour des raisons de sécurité, nous ne pourrons explorer la
montagne.
Notre maison est belle et très grande, même si entourée d'un mur de
2,5m de hauteur avec barbelés et surveillée par un garde. Nous avons
l'eau froide courante, l'électricité de temps en temps. Mais nous
allons bientôt investir dans un groupe électrogène. La température
minimale est 28°C et maximale 30°C…
Nous mangeons bien, surtout du poisson, des pâtes…notre cuisinier local
essaie de nous faire une cuisine relativement européanisée.
Dès le premier jour, nous sommes allés visiter le camp réhabilité par Atlas qui peut accueillir une centaine de personnes. 4 réfugiés arrivent. Nous les aidons à décharger leurs bagages.
Dimanche 17 avril 2005.
Nous sommes conviés au pot de départ d'une association suisse de
déminage, qui faute de budget doit abandonner sa mission de déminage du
Sud Kivu. Le président de l'association me fait l'honneur de me laisser
remettre les diplômes.
Nous visitons ensuite le port afin de négocier son coût d'utilisation
pour le débarquement des réfugiés, ainsi que la construction d'un
second camp plus grand. Puis nous aurons une discussion sur la sécurité
dans le Sud et sur la presqu ' ile sur le lac. Les retours massifs ne
sont pas encore à l'ordre du jour.
Pour l'instant, nous nous "limiterons" aux "retournés spontanés" qui
reviennent en RDC par leurs propres moyens et seront dispatchés dans
toute la région. 2000 personnes ont déjà retrouvé leur région d'origine
en 2 mois.
Lundi 18 avril 2005.
Nous rencontrons un américain attaché de l'Ambassade des Etats Unis qui
représente à lui seul 30% du budget du HCR. Nous lui présentons nos
projets. Nous visitons le camp réhabilité. Il interroge une femme sur
le motif de son retour. Elle lui confie préférer mourir chez elle
plutôt qu'en Tanzanie. Sera ensuite abordée la question du sida. Mais
la préoccupation première de ce peuple est d'avoir à manger tous les
jours et d'avoir un toit au dessus de la tête.
L'américain nous fera comprendre à demi-mots qu'il est assez facile de
gérer les flux de réfugiés vers la RDC : il suffit de faire varier la
distribution de nourriture dans les camps en Tanzanie. Moins les gens
reçoivent à manger là-bas, plus ils auront envie de rentrer chez eux….
Mardi 19 avril 2005.
Nous partons dans une région plus reculée. Nous rencontrons quelques
personnes avenantes avec lesquelles nous entamons une discussion. Ils
affirment être pour le retour des réfugiés en particulier pour les
élections qui doivent avoir prochainement lieu même si elles ont été
reportées en juin et qu'elles risquent à nouveau d'être reportées.
Les habitants nous expliquent que le gouvernement ne paie plus l'armée.
Beaucoup de militaires deviennent des mercenaires, d'où le climat
d'insécurité et le nombre important de viols. A l'issue de cette
discussion, l'américain confiera sa réticence à un
retour massif des réfugiés vers le Sud Kivu.
Nous rencontrons ensuite l'administrateur du territoire et nous
visitons l'hôpital local, qui est dans un délabrement total. L'équipe
médicale est constituée de 2 médecins. La table d'opération est une
plaque de tôle sur 2 tréteaux. A la maternité, les femmes dorment à
même le sol. Le stock de médicament est dérisoire. Même ma propre
pharmacie en contient plus.
Le repas pris à la paroisse sera très silencieux. L'abbé vient nous
avertir qu'une exécution va avoir lieu sur la place du village. Il
s'agit d'un militaire ayant volé dans un champ de manioc. Le
propriétaire et sa femme ayant tenté de s'interposer, le militaire leur
a tiré de dessus et le mari est décédé. L'abbé nous posera alors un cas
de conscience : comment, nous les ONG, pouvons espérer faire appliquer
les droits de l'Homme dans ce pays alors que même le gouvernement et
l'armée ne les respectent pas?
Nous assisterons impuissants à la fusillade du criminel. L'après-midi,
nous rencontrons alors le commandant Nguvu, responsable du groupe armé
de la région. Il nous explique qu'un tribunal d'urgence avait été
constitué. Le jugement a été rendu en 10 minutes car le militaire
devait être enterré en même temps que sa victime.
Mercredi 20 avril 2005
Nous sommes de retour à Uvira. Nous recherchons une personne pour un
poste d'assistant logisticien achats. Guy me confie avoir reçu de très
chaleureuses recommandations d'un colonel pour la candidature de son
fils. Les recommandations se sont transformées en menace de mort
proférées à l'encontre de Guy. Je décide donc d'organiser une réunion
avec le Colonel et ses conseillers afin de lui expliquer que notre
choix était fait en toute impartialité, avec tests et CV à l'appui,
parmi 800 personnes. Et que son fils, avait malheureusement de moins
bons résultats que d'autres personnes. A force de persuasion, le
Colonel finit par comprendre et l'affaire est close mais Guy reçoit
toujours des menaces de mort par texto d'une autre personne….
Je suis donc entré dans le bain dès mon arrivée…dire que nous allons "gérer" la vie de plusieurs milliers de réfugiés….
Sinon, en ce qui concerne les détails pratiques, nous avons une journée
de repos par semaine (le dimanche), nous ne sortons qu ' accompagnés,
nous ne conduisons pas et nous respectons le couvre-feu.
Pour ce qui est de ma boite mail, je ne pourrai la relever qu'une fois
par semaine environ. Pour ce qui est du blog, c'est Delphine et Jérôme
qui le tiendront à jour pour que vous puissiez suivre mes aventures.
J'ai déjà reçu plusieurs demandes d'aide, dont celle d'une école qui
avait fait reconstruire ses classes. Malheureusement, une importante
inondation en janvier a presquetout détruit. Le budget pour réhabiliter
une salle représente 800$. Il y 8 salles au total.
Si Mr. Roland Granottier a toujours envie de monter son projet
humanitaire, il peut commencer à organiser une collecte…
Aujourd'hui vendredi, c'est la routine. Je suis en train de préparer un
plan sécurité et un plan d'évacuation en cas de problème.
Bilan de la première semaine : nous avons d'ores et déjà organisé 3
convois en direction de Baraka qui se sont très bien passés.
A bientôt.