Une journée ordinaire...
Une journée ordinaire.
En général, on se lève vers 6h45 si on a la chance de s’être rendormi après le vacarme quotidien à 5h15 de l’entraînement en chanson des militaires du quartier. C’était le cas ce matin. Le petit dej avec du vrai pain que nous a préparé notre cuisinier Mzee (le sage). L’équipe d’expatriés, c'est-à-dire Guy le logisticien, Phillipe le chef de garage, et votre modeste blogeur, sommes tous d’accord. Il faut présenter Mzee au concours des bocuses d’or. –faut il une majuscule à bocuse d’or ?-
Et puis la journée commence. Les bureaux sont désormais sur le même site que le garage car, lorsqu’ils étaient à la base, 15 personnes attendaient régulièrement devant le portail pour diverses raisons, demande d’argent pour nourrir les 9 enfants, propositions de services, discussions philosophiques, vente d’objets d’art infourgables, demande de soins, de lift (prise en stop, « covoiturage »)…Ainsi, grâce à ce déménagement de quelques centaines de mètres, les soirs et les jours de repos sont beaucoup plus calmes.
La
vie du bureau s’organise peu à peu. Atlas emploi déjà 20 personnes sous
contrat et presque 30 travailleurs journaliers répartis sur les divers
sites que nous réhabilitons. Aujourd’hui, Jean mon assistant
administratif est parti à Bukavu pour récupérer des imprimés de
déclaration d’impôts. Je lui ai donné 10$ car il parait qu’on trouve du
très bon fromage de vache là bas. Avec Alphonse, le comptable, nous
avons clôturé les comptes de mai et je vais les exporter par mail dès
que l’ordinateur connecté du
HCR sera disponible.
Nous fixons dans la matinée le tableau Velléda que nous avons récupéré d’une ONG FSD, Fédération Suisse de Déminage qui, faute de fonds suffisants, a du plier bagage. Ce panneau va nous servir de planning des convois pour gérer les camions, les chauffeurs et aide chauffeurs qui participent à l’enregistrement des bagages des retournés. Un mécanicien participe aussi à chaque voyage au cas où. Notons ici que les retournés sont appelés bénéficiaires, ce qui montre notre volonté de les assister dans la dignité et la sécurité comme s’il étaient des ‘clients’, ou Roméos, dans le codage des hand set (talkie walkie VHF) qui crépitent à longueur de journée.
Ensuite, petite réunion informelle aux bureaux de notre bailleur de fonds, le HCR. Il s’agit particulièrement de signer les contrats de remise reprise (autrement dit de prêt) d’un deuxième 4x4. C’est un pick up Toyota qui nous sera très utile pour transporter les matériaux nécessaires aux divers réhabilitations de centre de transit. J’en profite aussi pour pleurer aupres des personnes compétentes pour obtenir une imprimante. En effet, pour le moment nous transferons tout sur clé USB et nous imprimons chez eux. Leurs bureaux ne sont pas tres loin mais ils conviennent que ce n’est pas tres simple, cependant les papiers de prêt ne sont pas encore signés à Kinshasa.
Je recois un coup de fil de Carole qui a été prévenu par Tony d’un enlèvement d’un expatrié Français de MSF dans l’est de la RDC. Je la rassure, ce n’est pas moi !
11 heures. Réunion hebdomadaire inter agences chez Ocha. C’est un organisme des Nations Unis qui s’occupe tout particulièrement de la symbiose sur le terrain des ONG locales et Internationales pour éviter qu’une école par exemple soit dans le budget de reconstruction de deux organisations. L’exemple de l’école est particulièrement bien choisi car c’est un pole à forte reconnaissance des populations et des bailleurs de fonds. Malheureusement on en délaisse parfois d’autres qui ont leur importance. Qui serait fier de réhabiliter une prison… Et pourtant c’est indispensable. On ne va pas quand même couper la main des voleurs dans les champs de manioc, ou castrer les militaires violeurs de vielles femmes, ou encore fusiller en place publique les assassins. Euh, on l’a déjà vu.
Bref, réunion Ocha, où nous parlons en priorité des problèmes de sécurités rencontrés au cours de la semaine, les passages de check point difficiles, les contrôles d’identité, les fouilles des bagages de mes Roméos… Nous parlons aussi bien sur de l’avancé des travaux de chacun et de ses projets. La réfection d’un morceau de route, l’aide à un centre de santé, la distribution de vivres et non vivres à des vulnérables… Pour ce qui me concerne, je décris le nombre et le type de bénéficiaires que nous avons convoyé cette semaine, l’avancement des travaux sur notre base Baraka, sur la réhabilitation du centre de transit géré par la Croix Rouge et nos projet de demander un financement pour la construction d’un port dans le sud de la zone pour accueillir les bateaux directement depuis la Tanzanie.
En fin de réunion, la Monuc convie seulement les ONG internationales. Un commandant prend la parole pour nous décrire ses craintes à l’échéance du 30 juin, fête nationale où devait théoriquement se tenir les premières élections présidentielles. Le niveau sécurité sera 4 sur une échelle de 5. Il conseille à tous de préparer son go-bag maxi 15kg pour être opérationnel en cas d’évacuation. Il nous présente ensuite son plan avec les points de rassemblement et la conduite à tenir en cas de problèmes. C’est plutôt rassurant de savoir qu’ils prévoient toutes les hypothèses mais peu d’ONGI ressentent ce tel niveau de tension. Cependant, je vais suivre son conseil de rester dans Uvira pendant la semaine précédant le 30 juin et la semaine suivante, et je vais aussi l’imposer à Guy et Philippe. Les travaux à Baraka attendront bien deux semaines !
Apres le repas de midi, ou plutôt de 13h30, je me rend au port privé de Kivovo à quelques kilomètres d’Uvira, ou nous allons accueillir de manière massive nos Roméos dès que la sécurité sera suffisante et que le retour facilité sera possible aux yeux du HCR. Nous négocions aussi sur le loyer de la parcelle qu’il va m’octroyer pour construire un petit centre d’enregistrement. Tape moi dans la main, on commence les travaux la semaine prochaine.
Retour au garage où l’équipe vient d’arriver de Fizi. Les camions sont très sales mais en bon état. Le convoi s’est bien déroulé, c’est ce que me confirme mon responsable rapatriement. 4 camions dont 1 de bagages et pas trop de problèmes pour passer les check points ni les passages à gué.
Un ingénieur vient me présenter son devis suite à mon ’appel d’offre’ pour la construction du port de Baraka. Il n’a pas tout compris mais c’est pas grave, il corrige et repassera demain me présenter sa solution.
Et voila, la journée de travail se termine pour nos employés. Il me reste à aller au HCR pour récupérer un imprimé de demande d’accompagnement pour une mission d’évaluation qui est prévue lundi dans une zone de retour où a priori même les voitures n’accèdent. Ca sera donc mon baptême d’hélicoptère avec la Monuc.
Après ça, c’est repos. Les expatriés de AMI (Assistance Médicale d’Intervention) me propose bien de passer chez eux pour une petite bière mais je décline la proposition. Pourtant, nous nous autorisons à sortir après la tombée de la nuit que dans les ONGI jusqu’à 21 heures, et il n’est que 19h30… Non, on verra ça demain !
Et puis il faut que je prépare un peu l’organisation de l’après midi de dimanche. J’ai invité les expatriés des ONGI et du HCR à un petit match de théatre d’improvisation accompagné de brochette frites et bière. On ne se refait pas…