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Youri est au Congo
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8 février 2006

Un voyage dans l’expérience.

Pour coordonner la logistique de l’opération de rapatriement entre la Tanzanie et la RDC, le Unhcr a initié une visite commune transfrontalière. En effet, beaucoup de choses restent imprécises comme l’identification des bagages de réfugiés au départ, voire même aberrantes. Par exemple, nous avons reçu ce vendredi matin le bateau remplaçant du Mongozo (en panne) à Uvira avec 457 personnes à bord mais 100% de ces bénéficiaires avaient pour destination le sud de la région. Autrement dit, il aurait été particulièrement intelligent d’envoyer ce convoi via l’autre point d’entrée, le superbe port de Baraka. Cela complique, voire même met en difficulté notre logistique en flux tendus.

Bref, nous avons embarqué sur le Liemba après que les retournés aient été emmené dans le centre de transit. Ce bateau, pas très avenant au demeurant, a une âme. J’ai ressenti immédiatement qu’il devait avoir une histoire, car son pont en bois caractéristique et sa structure en tôles rivetées à chaud comme la tour Eiffel témoignaient d’une construction du début du siècle. Pour m’enquérir d’informations, je discute alors avec la responsable des rapatriements Unhcr de Tanzanie, une sympathique Anglaise très expérimenté des questions de réfugiés. A part le Unhcr, elle a une autre passion, le Sudoku. Bien sûr, vous connaissez tous le Sudoku, avec ses killers, et ses Samourails ?

Bref, j’apprends que le Liemba a été construit dans l’Allemagne de 1912, puis démonté en 5000 parties que l’armée du Reich a acheminées à Dar Es Salam (océan Indien). Ensuite, ils ont utilisé la ligne de chemin de fer longue de 1500km entre Dar et Kigoma. Le problème, c’est que cet axe s’arrêtait alors à 30Km de l’arrivée. Ainsi, l’armée allemande a du prendre 20000 esclaves qui se sont relayés à coups de fouets pendant des mois pour porter les 5000 caisses entre 2 et 5 tonnes. Cette opération a fait officiellement quelques centaines de morts. Enfin à destination, le Liemba a pu être reconstruit par les trois ingénieurs allemands qui ont suivi ce convoi très spécial.

Le bateau a sillonné le lac Tanganyika depuis, essuyant la guerre contre les Belges et les Anglais au Congo, puis coulé et renfloué par deux fois dans la baie de Kigoma. A ce jour, c’est un des plus vieux navires qui croise encore sur le globe. Aujourd’hui bien sûr sa machinerie à vapeur a été remplacée par deux gros moteurs BMW, l’instrumentation du capitaine est désormais secondée par un Gps et un radar, mais la structure est restée identique à l’original et cela donne un charme tout particulier à cet ancêtre.

Pour rester dans l’actualité, j’ai appris que les Belges allaient construire chez eux un pont métallique très bientôt pour le démonter, le transférer et le reconstruire vers Kalémie ( RDC, au sud du lac Tanganika). Espérons qu’ils n’utiliseront pas les mêmes méthodes avec des esclaves !

Arrivée au port de Kigoma de nuit, les autorités Tanzaniennes n’étaient pas présentes pour nous faire des visas d’entrée. Ce n’est pas très grave pour le personnel des nations unies, mais pour nous, les Ong, nous allons passer ce séjour en toute illégalité !

L’hôtel où nous passons la nuit est un havre de paix avec tout le confort.

Le samedi, nous avons la chance de visiter le plus grand camp de réfugiés en Tanzanie, Nyarugusu. Il compte encore 61000 futurs bénéficiaires.

La route consiste en une piste large et bien entretenue et nous mettons seulement 3 heures pour rejoindre les collègues du bureau Unhcr qui vont nous guider. Après une courte rencontre de courtoisie, nous entrons enfin dans le camp. En fait de camp, nous ne verrons que la salle de réunion où nous attendent déjà les représentants des réfugiés. Il n’y a pas de clôture, bien sûr, mais les réfugiés n’ont pas le droit de sortir de la zone. Ils ne doivent pas faire de commerce, en théorie mais les jetons de vivres Pam (Programme Alimentaire Mondial) se négocient. Nous avions déjà parlé de cette tendance à faire beaucoup d’enfants et même à en prendre sous tutelle pour obtenir une ration plus importante. Le fait est que les normes de nutritions internationales ne sont pas respectées scrupuleusement. De toute façons, les statistiques n’existent pas et un recensement nous est expliqué par le représentant Unhcr Tanzanie quasi impossible. Après les présentations, notre première question concerne l’engouement pour le retour. Bien sûr la langue de bois est de mise, et les réfugiés annonce qu’ils sont tous prêt au départ. En fait, si on creuse un peu plus, on trouve une certaine catégorie de réfugiés (25%) qui se complait très bien dans le camp et qui estime que les conditions de vie sont meilleures ici qu’au pays. Cela va faire l’objet de notre exposé. Sans voiler la face, nous expliquons les difficultés d’accessibilité de certaines zones, le manque d’infrastructures scolaires, de soins, la pénurie d’eau potable et la destruction des maisons. Il ne s’agit en aucun cas de freiner l’élan de volonté de retour mais le Unhcr estime qu’il doit présenter la vérité à ces futurs retournés qui perdrons ainsi le statut très privilégié de réfugié. Selon eux les « Go and See » visiteurs de l’année dernière, pour juger par eux même des conditions et les retransmettre à leurs concitoyens de camp, n’ont pas reflété la totalité de la situation humanitaire mais ils se sont surtout concentrés à rapporter la pacification de la zone en occultant quelque peu le reste. Bien sûr, les retournés reçoivent une assistance pour se reconstruire, et certains privilèges leur sont octroyés provisoirement (gratuité des soins pendant 6 mois, gratuité d’école pendant 9 mois, assistance d’autres Ong…), mais cela reste temporaire. Ils doivent commencer à se prendre en mains, oublier ce fonctionnement d’assistanat permanent.

Le représentant des réfugiés semble comprendre ce discours, appuyé par le commissaire national pour les réfugiés congolais, venu de Kinshasa spécialement. Pour autant, il prend son rôle très à cœur et nous relate les revendications de ses camarades. Goudronner les routes du Congo, assister les retournés en frais scolaires et soins pendant 5 ans, construire des maisons beaucoup plus grandes et en plus grand nombre (pas seulement pour les vulnérables) sont autant de requêtes voire exigences qu’il nous lance en pleine figure. Le Unhcr lui réplique gentiment qu’ils vont revenir pour reconstruire le pays et que ce type de prétentions hors sujet ne relèvent pas de la communauté internationale mais de son gouvernement. Cela reflète absolument l’esprit d’une partie des réfugiés qui estime avoir des droits infinis d’assistanat auprès du Unhcr et des autres agences onusiennes. Nous quittons l’assemblée après d’autres débats stériles et traductions Français Anglais Swahili, un peu découragés et décontenancés. D’ors et déjà, nous savons qu’il existe certains cas de recyclage, entendez par là des réfugiés qui viennent de manière facilitée par le Unhcr, se rendent compte de la difficulté de la tâche pour vivre au pays et reviennent par leurs propres moyens en Tanzanie. Ils prennent bien sûr soin de revendre tous les vivres et non vivres que nous avions distribué mais lorsqu’ils reviennent au camp, l’abri est détruit.

Autre problème, la sécheresse qui sévit dans toute l’Afrique sub-Saharienne. La région des grands lacs n’est pas épargnée et les conséquences sont comme souvent ici des mouvements de populations. Les Rwandais et les Congolais vont au Burundi en espérant avoir l’assistance du Pam et du Hcr, idem pour les Burundais qui descendent en Tanzanie. Cependant, ces gens, tout vulnérables qu’ils peuvent être, ne sont pas des réfugiés au sens des nations unies.

Les jours qui vont suivre seront consacrés à des réunions plénières entre les Unhcr Tanzanie et RDC, leurs partenaires opérationnels, et les représentants des gouvernements. Tous les domaines sont pris en considération, et la logistique occupe bien sûr une grosse partie des débats. Le Unhcr confirme dès le début de cette mission transfrontalière que les budgets pour 2006 sont particulièrement réduits voire même ridicules. Par exemple, au niveau d’Atlas, notre proposition annuelle n’a pas été accepté et pour l’instant, nous sommes sur des discussions semestrielles. Ainsi, le doublement du volume de retour de 1000 bénéficiaires par semaine n’est absolument pas envisageable. Pour l’instant, je cherche à orienter le débat sur les difficultés que rencontrent nos interlocuteurs Tanzaniens qui nous envoient des retournés de n’importe quel axe de retour quelque soit le port d’arrivée. La réponse est pour le moins surprenante. Ils n’ont pas de base de données sur les réfugiés dans les camps depuis dix ans et font un enregistrement des retournés volontaires quelques jours avant le départ du bateau. C’est pourquoi nous ne recevons jamais la liste avant que le bateau n’accoste chez nous. Ils disposent uniquement de deux personnes par camp pour effectuer l’enregistrement ! Les gens prennent note.

Voilà en bref ce qui m’intéressait tout particulièrement dans les deux jours et demi de réunions.

Heureusement, pour nous remonter le moral, nous avons fait le voyage retour vers le Congo avec les réfugiés. L’ambiance a été chaude toute la nuit, nous n’avons pas dormi car ils étaient tellement excités à l’idée de rentrer qu’ils ont écouter de la musique congolaise toute la nuit !

Le Liemba et le lac sont toujours aussi beaux et je vous promet quelques photos très prochainement.

A bientôt pour de nouvelles aventures.

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Commentaires
B
j'arrive juste au boulot. il est 7 h 30 du mat. tout est calme avant le grand rush de la dernière journée de la semaine et des départs en vacances.<br /> je me réveille et te lis attentivement, transportée par tes images, sentant cette Afrique si chère à notre coeur, essayant d'imaginer ton quotidien, tes rencontres, la convivialité de ton équipe. je t'embrasse très fort<br /> tendre pensée à ta moitié et tes parents<br /> plein de courage à ton équipe<br /> Béné
M
En effet je suis très impatiente de voir les photos de ce bateau dont tu nous as narré son histoire,douloureuse mais auusi très salutaire pour ses passagers.J'ai toujours plaisir à te lire et je t'embrasse bien bien fort Maman
Youri est au Congo
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